Composition de M.A.O

L’orchestration en MAO

.Stéphane Meer dirige le Philharmonique de Bruxelles

Comment orchestrer ? La réponse existe depuis des décennies dans des traités épais et détaillés.

Mais…

Est-ce que ça marche pour la MAO ?

La réponse est non. Et c’est là que ça devient intéressant.

Certaines règles restent vraies, d’autres sont fausses, et de nouvelles règles apparaissent.

Ce qui est vrai en orchestration acoustique est souvent faux en MAO

De plus, les règles vont également dépendre de votre banque de son, du temps de programmation disponible, et de votre talent de mixeur.

Hans Zimmer, possède probablement le plus puissant studio de MAO du monde. Pourtant, il utilise des musiciens acoustiques constamment.
Ça fait réfléchir, n’est-ce pas ?

Soyez modeste, acceptez ce qui est possible et ce qui ne l’est pas.

Voici des règles de base.
Il faut les prendre comme une sorte de guide, qui devra être interprété au cas par cas.

Règle 1/ Chaque partie doit bien sonner, en autonomie.

Cette règle vient de la musique classique. Toutes les grandes orchestrations sont équilibrées section par section.
Ça s’explique par le phénomène acoustique d’une salle de concert.
La musique en salle est beaucoup plus multidirectionnelle que la musique enregistrée (aplatie).
Si une section est déséquilibrée, elle ne peut pas être rattrapée par une autre qui ne se localise pas au même endroit.

Les orchestrateurs classiques ont ce réflexe.

En MAO, on peut souvent s’en tirer au mixage, mais sur la durée, vous aurez de meilleurs résultats avec des sections équilibrées.

Règle 2/ Les niveaux de puissance

Ne pas confondre volume et intensité !

Le volume c’est l’épaisseur du son, sa richesse, sa largeur.
L’intensité, c’est le niveau sonore en db.

Typiquement, une flute a un énorme volume dans le grave et une faible intensité.
Dans l’aigüe, elle a une forte intensité, et un faible volume.

Dans un orchestre, il faut gérer les intensités pour que l’on entende les instruments qui jouent.
(Dans mon exemple, une flute dans le grave, à coté d’une section de cuivre qui joue fort, sera inaudible)
Par contre, en MAO, par le mixage, on peut compenser, et inventer, les intensités.
Une flute peut devenir plus puissante qu’une trompette.

C’est un avantage, mais aussi une invitation à faire n’importe quoi.

Avoir des notions d’intensité vous évite de perdre toute crédibilité acoustique.

En général, on aura cette classification :

1/ Les bois
Bassons, Clarinettes, Haubois, Flutes
(Les piccolo sont très puissantes dans l’aigüe)

2/ Les cordes
Contre-Basses, Violoncelles, Altos, Violons
(Très flexibles en intensité, mais trop de cordes dans un mix peut faire perdre de la clarté)

3/ Les cors
(Je les différencie des cuivres, car leur son est plus doux)

4/ Les cuivres
Tubas, Trombones, Trompettes

5/ Les percussions
Vaste famille, (le piano est un instrument à percussion).
Les timbales, cymbales, gongs, caisse claire, grosse caisse, couvrent n’importe quel orchestre facilement.
Ils peuvent jouer extrêmement doucement également.

Lorsque l’on écrit pour une famille d’instrument, on respecte les tessitures naturelles.

Sauf effet spécial, on écrira le hautbois plus haut que la clarinette, l’alto plus haut que le violoncelle, le trombone au dessus du tuba, etc.

La principale différence entre MAO et acoustique

En acoustique les doublages sont les bienvenus.

En mao, les doublages perdent souvent l’identité des instruments doublés

Comme dit plus haut, dans une salle de concert, le son est spatialisé. Il est donc plus creux.

Sur un enregistrement, il est aplati, et donc la fusion acoustique se fait mal.

Deux instruments superposés ne sont souvent plus ni l’un, ni l’autre.

Le mixage permet d’équilibrer les intensités, sans avoir besoin de renforcer, comme dans une salle de concert.

Exemple, si les cuivres jouent fort, une orchestration acoustique devra utiliser tout le reste de l’orchestre pour équilibrer l’intensité.
Sans quoi, l’auditeur ressentira les cuivres « en dehors » du groupe.

Dans un enregistrement, ça n’a plus de sens, et c’est souvent contre-productif.

On risque d’avoir une sonorité « paquet », un peu comme un orgue, où tout devient uniforme.

Il vaut mieux choisir un équilibrage des volumes, avec peu de mélange de timbre (pour garder l’identité de l’instrument), et le mixeur se chargera facilement d’équilibrer les intensités.

 

La disposition, la spatialisation

Au premier plan, les cordes.

Dans un orchestre acoustique, on place les violons à gauche, les altos au centre et les violoncelles à droite.

Ça fonctionne bien en MAO également.

Par contre, les contrebasses sont souvent garées au fond ou sur le côté pour ne pas masquer le son et le visuel de ce qui se trouve derrière.

En MAO ce qui compte c’est que les graves ne sont pas directionnels.
Il est donc toujours préférable des les avoir au centre, comme on le ferait pour une basse électrique ou électro.

Au second plan, les bois.

Dans l’ordre, le plus grave à droite.

Basson, Clarinette, Hautbois, Flute

Au troisième plan, les cuivres avec :

Les cors à gauche, un tuba au centre, puis trombones, et trompettes à droite.

Dans certaines musiques, on peut inverser tuba, trombones et trompettes pour avoir les trompettes au centre si elles jouent souvent le thème.

Au quatrième plan, les percussions.

Timbales au centre.

Les aigües sur les côtés, xylophones, célesta, cymbales.

La harpe et le piano sur le côté.

Ceci est modulable en fonction du rôle de ces instruments dans la musique.

En MAO, on utilise l’automation pour déplacer les sources sonores en cours de morceau.

Dans l’intro du thème de Hedwige, (Harry Potter), le célesta est au centre car il joue seul.
Ensuite, il retourne sur le coté quand il a un rôle de second plan.

Idem pour l’utilisation du piano.

Quand son rôle est concertant, il est au centre, quand il est complémentaire, il est sur le côté.

Pour la spacialisation, l’idéal est d’utiliser deux réverbérations différentes.

Une réverbération à convolution pour donner une acoustique de salle.

Une réverbération pour avancer ou reculer les instruments, les rendre plus ou moins présents.

On jouera sur cette deuxième réverb. pour rendre plus présent l’instrument qui joue le thème et plus distants les instruments qui accompagnent.

 

Un petit conseil personnel

Les musiciens jouent mieux quand ils ne s’ennuient pas.

Beaucoup de compositeurs ne se préoccupent pas des musiciens.

J’ai remarqué, et vérifié, qu’un musicien concentré joue mieux qu’un musicien qui s’ennuie.

Dans les orchestrations d’élèves, j’entends souvent des parties instrumentales secondaires qui sont ennuyeuses.

Il me semble qu’une bonne orchestration ne doit pas contenir d’éléments de faible intérêt.

Mieux vaut réfléchir à s’en passer.

Je ne sais pas expliquer pourquoi, mais je constate que c’est souvent vrai en MAO également.
Je suppose que c’est parce que c’est une lutte contre la fainéantise.
Ce principe pousse à être soigneux et perfectionniste.
Si on s’oblige à rendre toutes les parties intéressantes, l’auditeur s’en rendra compte, consciemment ou non.

Et si on mélange electro et acoustique ?

Dès qu’on mélange de l’electro dans un orchestre, il faut faire beaucoup de place.

Le « fondu » n’aura pas lieu. C’est un combat qui se règle au moment du mixage, à grand coup de plug-in.

En résumé

En live, l’orchestre sonne plus creux

En enregistrement, il sonne plus « paquet ».

En MAO, c’est pire !

Respectez les sections, et la hiérarchie des instruments.

Faites des partitions intéressantes dans le détail.

Si on mélange, synthé et acoustique, alors, il faut libérer de la place.

Pour progresser

Allez au concert, et comparez la sensation dans la salle avec celle du disque.

Regardez sur les partitions d’orchestre ce qui se passe « derrière », et comment se font les équilibres, et les différentes sonorités que vous aimez.

Et n’oubliez pas, que quelle que soit votre banque de son, l’orchestration en MAO et l’orchestration acoustique… c’est pas pareil.

16 Comments

  1. Pingback:  La mise en son avec Pro Tools HD Native - Composition de M.A.O

  2. Anthony Neumann

    Bonjour, je me suis mis à la musique de film depuis peu (grand orchestre type John Williams) sur Logic Pro avec les banques de son de chez Spitfire Audio. Je me demandais tout bêtement s’il était mieux de faire une piste par technique d’instrument (par exemple 1 piste violons 1 legato, 1 piste violons 1 pizzicato, idem pour violons 2, etc) ou bien si il était mieux de faire une piste par instrument et de jouer avec les articulations du plugin (violons 1, violons 2, cellos, etc) ? Merci 😉

    1. Bonjour Anthony.

      Tout dépend de la qualité de ta banque de son.
      Si je pars du principe qu’elle est bonne, comme celle de Chris Hein par exemple, alors ma réponse est de faire une piste par pupitre, comme tu le dis.
      V1,V2,A,V,CB et de tout gérer par les keyswitches, les hotkeys et les contrôleurs.
      Cela nécessite un grand soin de programmation et une très bonne qualité de banque de son.

      Si la qualité n’était pas suffisante, alors il faudrait séparer les pistes pour avoir des outils de mixage qui permettent de compenser les lacunes.
      A l’extrême, on arriverait à ta première solution de tout séparer.
      On peut alors vite arriver à un nombre de piste très difficile à gérer. Mon record est de plus de 900 pistes.
      Mais avec les banques d’aujourd’hui, cela ne devrait plus arriver.
      Dans ce genre de cas, il faut créer des groupes, sur logic ce sont des stack tracks qui permettent de retrouver une configuration par pupitre.

      Ai-je bien répondu à ta question Anthony ?
      Stéphane

      1. Anthony Neumann

        Bonjour,

        Tout d’abord merci pour votre réponse qui m’aide beaucoup. En effet, j’ai toujours pris l’habitude de faire une piste par pupitre car mes banques de sons sont de très bonne qualité, mais il peut parfois arriver qu’il y ai des différences de volume ou de dynamique entre les articulations (par exemple mes spiccato seront bien plus dynamiques que mes legato et cela se ressent dans le mix final, un peu comme si d’une technique à l’autre certains violons arrêtaient de jouer) c’est pourquoi j’utilise souvent un « Ensemble » pour soutenir le tout.

        900 ! ça me fait froid dans le dos quand je pense au travail de mastering que vous avez dû avoir à la fin haha.

        Encore merci Stéphane

        1. Un ensemble pour soutenir le tout doit certainement très bien marcher. Tu peux aussi utiliser un contrôleur pour compenser les différences de dynamiques. Pour aller très loin, on ne peut pas se dispenser d’utiliser des pédales et même des capteurs de souffle et autres…

          900 pistes, ce fut surtout une grosse angoisse quand la réalisatrice m’a demandé une modif dans un passage en plein milieu…

  3. Merci Stéphane pour ces conseils (ou rappels) précieux; c’est vrai qu’il est important de ne pas perdre de vue ces fondamentaux… Cela permet ainsi de prendre le contre-pied sur certaines propositions musicales, mais en pleine conscience et non par accident. Bravo

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  7. Je l’espère Stéphane. Je suis assez occupé avec mon activité de compositeur Maoiste, qui est teintée de recherches sonores et musicales, d’écoutes, d’essais, de prises de conseils, trucs et astuces (comme je peux en lire de bons ici), de démarches, etc…, et je vais parcourir le reste de votre site un peu tous les soirs, à partir de maintenant.
    Donc à bientôt, c’est certain. 🙂

  8. Bonjour,
    très intéressant votre site. Bravo pour ce travail.

    Il me semble qu’il y a une faute dans le paragraphe « La disposition, La spacialisation ». Le correcteur d’orthographe de google chrome m’indique que spatialisation s’écrit avec un « T ».

    Bien à vous 🙂

      1. (je réponds à nouveau ici, car j’ai loupé l’onglet reply, afin de conserver un bon fil de discussion)

        Je l’espère Stéphane. Je suis assez occupé avec mon activité de compositeur Maoiste, qui est teintée de recherches sonores et musicales, d’écoutes, d’essais, de prises de conseils, trucs et astuces (comme je peux en lire de bons ici), de démarches, etc…, et je vais parcourir le reste de votre site un peu tous les soirs, à partir de maintenant.
        Donc à bientôt, c’est certain.

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